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Collège LaSalle : l’honneur de l’éducation québécoise en Afrique, aujourd’hui mis à l’épreuve

Face à une décision contestée, le Québec doit choisir entre repli idéologique et rayonnement mondial de son modèle éducatif.

Depuis sa fondation en 1959 à Montréal, le Collège LaSalle incarne une vision audacieuse de l’éducation : ouverte sur le monde, enracinée dans les valeurs de la francophonie, et fondée sur l’innovation pédagogique. Bien au-delà des salles de classe, cette institution a construit un modèle qui conjugue excellence académique, inclusion culturelle, et adaptation constante aux transformations du monde.

Aujourd’hui, à l’heure où une pénalité administrative sans précédent de 29,9 millions de dollars menace sa stabilité, il est essentiel de rappeler ce que représente réellement le Collège LaSalle pour le Québec, le Maroc et pour l’Afrique tout entière.

Loin d’être un simple établissement d’enseignement, le Collège LaSalle est un trait d’union entre les continents. Son empreinte au Maroc est à la fois ancienne, profonde et féconde. Depuis son implantation à Casablanca, il a contribué à former des générations entières de jeunes marocains dans des secteurs aussi essentiels que le design, la gestion hôtelière, la communication, la mode ou encore les arts numériques.

Grâce à une pédagogie basée sur la pratique, l’employabilité et la créativité, il a offert une chance concrète à des milliers de jeunes de se réaliser, de créer des entreprises, de rayonner à l’international. Il ne s’est pas contenté d’importer un modèle : il l’a adapté, métissé, en dialogue permanent avec les réalités marocaines.

Cette réussite marocaine s’est étendue à tout le continent africain. Le Collège LaSalle est aujourd’hui présent au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Tunisie, au Rwanda, et dans plusieurs autres pays où il accompagne, chaque jour, le rêve de jeunesse d’un avenir meilleur. Il forme non seulement des diplômés, mais des bâtisseurs, des citoyens, des talents qui contribuent au développement durable et à la croissance économique de leurs nations.

En Afrique, le nom du Collège LaSalle est synonyme de rigueur, de modernité et d’ouverture. Il est respecté, reconnu, recherché. Il est porteur d’une image positive du Québec : celle d’un Québec formateur, innovant, solidaire, international.

Mais tout cela n’aurait été possible sans un socle. Ce socle, c’est Montréal. C’est le Québec. C’est cette terre où le Collège LaSalle est né, dans un contexte de réforme, de libération sociale et de bouillonnement intellectuel. Dès ses premières années, l’institution s’est distinguée par son indépendance d’esprit et sa volonté de repousser les frontières traditionnelles de l’enseignement. Elle a été l’une des premières à intégrer les notions de créativité appliquée, de pédagogie expérientielle, de projets collaboratifs. Elle a compris, avant beaucoup, que l’éducation ne pouvait plus se faire à huis clos, mais devait épouser le monde, ses défis, ses douleurs, ses espérances.

Ce lien avec le Québec ne s’est jamais affaibli. Le Collège LaSalle a toujours participé, avec loyauté et engagement, aux débats de société. Depuis mai 2021, il a activement contribué au dialogue démocratique entourant le projet de loi 96, devenu loi 14. Ses dirigeants ont pris part aux consultations, ont proposé des adaptations, ont partagé leurs données, leurs expériences, leurs contraintes. Ils ont rencontré la ministre Pascale Déry à plusieurs reprises, ils ont interpellé son cabinet, puis celui du premier ministre Legault, dans un esprit d’écoute et de coopération. Ils n’ont jamais fui leurs responsabilités. Ils ont demandé des ajustements, non des passe-droits. Ils ont agi, non pas dans l’ombre, mais à visage découvert.

Et pourtant, malgré ces efforts continus, malgré cette loyauté envers les institutions démocratiques québécoises, une décision lourde de conséquences est tombée. Le 29 juillet 2024, l’annonce d’une pénalité de près de 30 millions de dollars a été contestée en justice. Non pas par réflexe de défense, mais parce qu’elle est perçue comme démesurée, difficilement justifiable et potentiellement déconnectée des réalités du terrain.

Ce recours repose sur des interrogations légitimes, face à une mesure dont l’impact économique et éducatif pourrait affecter durablement tout un écosystème. Il s’agit d’un moment de clarification, d’un appel à une lecture plus équilibrée des faits.

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’objectif du gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir la langue française. Cet objectif est noble, légitime, essentiel. Mais la méthode employée, lorsqu’elle semble ignorer les efforts tangibles des institutions, ou pénalise des acteurs investis, peut susciter l’incompréhension. Elle risque de créer des tensions inutiles, alors même que le Québec aspire à renforcer sa place comme pôle éducatif de référence dans l’espace francophone mondial.

Il n’est pas anodin que le juge Éric Dufour, en avril dernier, dans une affaire similaire concernant McGill et Concordia, ait qualifié certaines décisions de « déraisonnables, non justifiées par des données existantes et convaincantes ». Ce rappel, mesuré mais ferme, invite à reconsidérer certains choix administratifs à l’aune du dialogue, de la cohérence et de la proportion.

Appliquer aux universités anglophones une réglementation plus rigide est une chose. Étendre cette logique à une institution comme le Collège LaSalle, profondément francophone dans sa culture, son histoire et sa vocation, appelle à une réflexion plus nuancée.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement une pénalité qui est en cause. C’est un modèle éducatif, un réseau international, une promesse faite à des milliers d’étudiants, de professeurs et de familles. C’est aussi une certaine idée de l’éducation québécoise comme moteur de transformation sociale à l’échelle mondiale.

Derrière les chiffres, il y a des visages. Celui d’une étudiante ivoirienne devenue designer internationale après sa formation à LaSalle Casablanca. Celui d’un jeune Rwandais qui a lancé sa start-up dans l’agrotech après avoir été formé aux outils de gestion par LaSalle Kigali. Celui d’un Montréalais d’origine maghrébine qui a trouvé sa vocation en création numérique grâce à l’écoute et à l’encadrement d’enseignants passionnés. Tous portent, à leur manière, le flambeau d’une institution qui ne se contente pas d’enseigner, mais qui révèle, accompagne, transforme.

Ce n’est donc pas seulement LaSalle que nous défendons aujourd’hui. C’est une certaine idée du Québec. Celle d’un Québec formateur du monde. Celle d’un Québec qui croit au dialogue et à la coopération. Celle d’un Québec qui sait reconnaître les siens et les soutenir lorsqu’ils traversent des périodes complexes.

Le Collège LaSalle n’est pas parfait. Aucune institution ne l’est. Mais il est, de toute évidence, un exemple vivant de ce que l’éducation peut produire de plus noble : l’émancipation des individus, le décloisonnement des horizons, la valorisation des talents. Remettre en cause cette contribution sans évaluation approfondie, c’est prendre le risque d’affaiblir un levier structurant de rayonnement.

Nous appelons donc, avec humilité mais fermeté, à une réévaluation apaisée de cette situation. À une sortie de crise par le dialogue. Il est encore temps de réparer sans s’affaiblir, d’écouter sans renoncer, de reconnaître sans opposer.

Comme l’a si justement déclaré le regretté Nelson Mandela, lui-même ardent défenseur de l’éducation comme levier de transformation :
« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. »
Ce n’est pas en fragilisant ceux qui éduquent que nous ferons progresser le monde. C’est en les accompagnant, en les valorisant, en les soutenant.

Le Collège LaSalle n’a pas à être affaibli pour avoir contribué à cette œuvre de transformation. Il mérite, au contraire, d’être reconnu comme l’un de ses acteurs les plus engagés. Pour le Québec, pour le Maroc, pour l’Afrique, et pour tous les jeunes qui y puisent leur avenir.

Cet engagement éducatif, profondément ancré dans les valeurs d’excellence et de coopération, a d’ailleurs été reconnu officiellement. En 2023, le Groupe du Collège LaSalle a été honoré par la Fondation Trophée de l’Africanité, lors d’une cérémonie solennelle en présence d’ambassadeurs africains, saluant ainsi son dévouement constant à la formation de l’élite africaine.

Cette distinction ne relevait pas seulement d’un symbole, mais d’une reconnaissance internationale du rôle éthique, social et stratégique que joue l’éducation québécoise sur le continent africain. Elle incarne cette autre face de la francophonie, noble et solidaire, qui fait du Québec un acteur de transformation, un bâtisseur de ponts, un semeur d’avenir.

Nasrallah Belkhayate

Président de la Fondation Trophée de l ‘Africanité

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